lundi 21 janvier 2013

Voilà dix ans que nous nous aimons.

Voilà dix ans que nous nous aimons.
Nous avons construit une vie d'aucunEs jugeront hétéronormée parce qu'ils/elles ne se rendent pas compte de ce que c'est, une vie de couple hétéronormée.
Notre désir d'enfant est profond, le désir d'élever et d'éduquer un être autonome, responsable, citoyen éveillé de demain, le désir d'aimer un enfant.
Il me semble que c'est ce qui compte le plus, pour un enfant, d'être aimé. Nous venons de deux familles aimantes et qui nous soutiennent, chacune à leur manière, dans cette longue marche vers la parenté.
Car oui, nous ne sommes pas stériles et nous voulons procréer un enfant, et nous voulons que cet enfant ait des droits, les mêmes que ceux de ces petits camarades de classe plus tard, le droit de dire : « Voilà mes parents ! ».
Je veux être sûre de pouvoir veiller sur lui quoiqu'il arrive même s'il n'est pas de mon sang, de mes gênes, parce que je l'aime, que je suis sa mère, quel autre mot utiliser.
Depuis treize ans maintenant, on me confie des enfants pour les éduquer et leur transmettre des savoirs.
Je suis estimée par mes élèves, par leurs parents, par mon administration, par mes autorités de tutelle, par mon inspection.
Ces apprenants en formation passent presque plus de temps avec moi qu'avec leur famille.
Mais je n'ai pas le droit d'être mère pour des raisons obscures, « morales » (car quelles vertu et morale accorder à des personnes capables de tant de violence, de tant de propos haineux, de tant de grossièreté, à se demander ce qu'elles peuvent, ou doivent, transmettre aux enfants), religieuses.
Mon père m'a toujours dit que les parents ne sont pas forcément les géniteurs/trices mais ceux et celles qui « paient les galoches », qui nourrissent, qui aiment, qui suivent, qui élèvent, qui éduquent.
Le débat pour l'égalité des droits est aussi celui des familles monoparentales, recomposées, ou de toutes celles où les parents ne sont pas mariéEs. J'attends de mes amiEs hétérosexuelLEs qu'ils/elles se manifestent, avec nous.
Je veux, comme eux/elles, pouvoir aller chercher mon enfant à l'école sans avoir à justifier de qui je suis pour lui.
Le débat pour l'égalité des droits est aussi un combat féministe qui met en évidence la domination masculine au sein du couple hétérosexuel et une répartition plus égalitaire et solidaire des tâches dans le couple homosexuel, qu'on le veuille ou non.
C'est reconnaître qu'être parent n'est pas inné mais construit et que cela est difficile pour tout le monde... mais qu'il est abberrant de voir des jeunes filles de quinze ans enceintes sans l'avoir souhaité, sans même savoir comment cela est arrivé, car nous savons déjà ce que cette misère sociale et culturelle risque de provoquer chez les enfants à venir.
Chaque jour, dans mon métier, et sans avoir besoin des études sociologiques qui viennent conforter ce que nous constatons, je vois parfois, trop souvent, des enfants malheureux/ses, frappéEs, violéEs ou simplement abandonnéEs à leur vacuité, jamais sollicitéEs intellectuellement, jamais entenduEs ni même écoutéEs, en échec scolaire, en détestation d'eux/elles-mêmes, et qui ont « un papa et une maman ».
Le débat pour l'égalité des droits est celui de l'amour contre le préjugé. Nous allons depuis 2010 en Catalogne pour concrétiser notre désir d'enfant, et chaque fois c'est la même honte de constater que les droits des femmes et des homosexuelLEs y sont mieux respectés, plus nombreux, qu'en France.
La France est-elle vraiment un pays laïc, la France est-elle vraiment le pays qu'elle prétend être alors qu'elle n'assume pas le progrès social, moral ?
A entendre les insultes dont je suis la victime, en ce moment, en tant que lesbienne et en tant que femme, en tant que citoyenne, en tant que fonctionnaire d'Etat, je me dis que peut-être il est temps de devenir catalane...

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