lundi 21 janvier 2013

A tous les décideurs de ce pays, il est temps de mettre un terme à nos tortures.

Un soir, j’ai rencontré une femme dans un bar.
J’avais vingt ans. Elle, dix de plus.
J’étais femme de ménage en attendant de travailler dans le cinéma.
Elle était à un an de passer son doctorat.
J’étais de gauche. Elle était Républicaine.
J’étais une artiste. Elle rêvait de cellules et de dissections.
J’étais athée. Elle était maronite.
Je ne cherchais plus rien chez l’Autre. Elle n’attendait de ses rencontres nocturnes qu’une nuit éphémère.
Nous n’avions pas un seul point commun cependant personne n’aurait pu savoir que notre pire ennemi serait notre nationalité.
J’étais Française, elle, Libanaise.
Un an durant, nous nous sommes apprivoisées jusqu’à nous aimer, à vouloir bâtir une existence commune.
Personne n’a voulu croire en notre union tant j’étais le jour, et elle la nuit. Nous avons subi les remarques, les messes basses, les « De quoi vous pouvez bien parler le soir avant de vous coucher ? »
Nous avons traversé des épreuves difficiles pour un couple oubliant le passage de la passion pour celui de la raison.
Le jour où nous avons appris que New-York serait sa prochaine destination, quelle extase ! Des rires mélangés à une pointe de peur.
Cette peur qui ne me quitterait plus.
Nous avions décidé de partir ensemble, de nous pacser pour que j’obtienne également un visa de travail.
A quelques jours de l’heureux événement, je reçois un mail de l’ambassade Américaine de Paris. « Le visa dont bénéficie automatiquement le conjoint ne peut être délivré à un « concubin » ou dans le cadre d’un « Pacte Civil de Solidarité » (PACS), ce statut n’étant pas reconnu par la législation américaine. »
Le PACS français se révélant être le seul PACS au monde ne possédant aucune valeur aux Etats-Unis.
Le mariage pour tous, au coeur des débats, et pourtant toujours interdit. Nous comptions sur cette union pour demeurer ensemble l’une contre l’autre.
Si seulement la France ne nous séparait que par cette voie.
Une semaine après l’obtention de son doctorat, ma “femme” n’a plus de légitimité sur le sol français.
Un docteur expulsé.
L’interdiction de rester une semaine de plus dans mon pays pour préparer notre avenir.
Imaginez-vous un instant l’humiliation que peut ressentir mon amie après cinq années passées en France avec le plus grand respect et le plus grand amour envers notre République ?
Notre union n’existe pas aux yeux des lois et nous voilà séparées pour des questions de sexualité et de nationalité.
Qui a dit que nous étions tous citoyens du monde ?
Que celui-ci se lève et vienne me le dire en face.
A tous les décideurs de ce pays, il est temps de mettre un terme à nos tortures.
L’heure est venue de reconnaître notre existence, de protéger les enfants de votre pays.
Que nous soyons docteur, intermittent, politique, jardinier, prof, nous EXISTONS.
Nous sommes homosexuel(le)s, bisexuel(le)s, transsexuel(le)s, inclassables, nous sommes des êtres humains.
Vous ne pouvez plus nous séparer comme vous le faites.
Vous ne pouvez plus vous cacher derrière le PACS que vous avez instauré uniquement pour nous faire taire.
Le PACS n’est pas l’égal du mariage. Il est son ersatz.

Un soir, j’ai rencontré une femme dans un bar.
Ce soir-là, j’aimais encore mon pays.

Liberté, Egalité, Fraternité.

Coralie PROSPER
Scénariste/Réalisatrice
(le 29 novembre 2012)

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